PAUL EMILE QUIGNAUX

vendredi 3 avril 2009

Autiste 1

On m’avait dit qu’elle n’était plus qu’une lèvre unique, sillonnée de flaques, grêlée de sable, léchant à petits coups sa nourriture dans de grandes vasques, qu’elle chantait fleuve, qu’elle courrait sur la rambarde des terrasses, qu’elle criait : « nue, nous, nue, nous », qu’elle s’effondrait en fièvre cernée par le carrelage, hernie baveuse qui trace du doigt dans sa salive ses sentes du soir, se recroqueville filant ses cheveux jusqu’à sa bouche en pinceaux noirs portés au sexe d’où coule son sang dés qu’elle fredonne son chant des chaînes « Nue nous, nue nous, nue nous ». On m’avait dit qu’elle se larvait sur ses dessins, entre ses griffes et dans l’attente, debout contre la vitre, y plaquant son ventre haineux qu’elle épanchait, empreinte de sueur et de chaleur. « C’est sucré » disait-elle « C’est mon miel » disait-elle puis elle psalmodiait son chapelet d’hiver en sursauts brefs, prière contre son verre, ode à sa cage. Après deux jours d’un chant plus long, d’une lèvre unique contre la vitre, elle céda dés que la buée goutta ses larmes en rigoles huileuses devant ses yeux. Enmielée de peurs et de nouveaux songes, effraie blanche aux grands yeux ronds clouée vive, hululante, à la porte de son néant..

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