PAUL EMILE QUIGNAUX

dimanche 20 décembre 2009

September 2002

Vents rectilignes qui passent tièdes et marins. Estuaires et suaires. Dans la poussière déambule une vieille chinoise, le dos chargé deux sac-montagnes en plastique plein de boitaluminium pieusement pargnées; coca, sprite, bières et quanti tutti.

Au carrefour braille un fauteuil sans-jambes qui passe sur un égout, gueule et freine, y reste ivre dans ses bouffées chaudes, extatique, templant de son rire hagard le carré de Ground Zero.

Des chiens Cueco par centaines de Wall Street et de plus haut sont descendus, cabots consciencieux qui dans les blés en herbe sussotent de jeunes épis sans répit. Meutes fantômes dans la lumière, en bure tweed et cachemire nimbé de For Men Diesel.

Une catholique fait la manche « God bless you » consacrée, en proie, guettant les plaies de ces lasquenets qui se comblessent. «Walk !» fait la loi. De l’asphalte sortent des enfants nus qui streetent la vieille chinoise, se volièrisent, mordent les oreilles des chiens Cueco, les lèvres du sans-jambes et la prière catholique. Les sirènes sont là, toujours là ! Mais toi, mon Manhattan, où es-tu ?

Un tilleul peut-être ?

On devine sous ce tilleul odorant une cape or et tiède, des allumettes brisées, trois mégots ressucés, un arc tendu d’ennui et quatre soupirs d’émotions qui s’acheminent vers l’abîme. A l'aplomb de ce tilleul menthant le vent, trois pas de fuite, deux de danse, et un de souffre. Finie, sa sueur pubisée. Evaporée son parfum de soir. Aurore en plan, dévasté. Passe un vol de saints de mille ans d’âge en V comme vain puis un nain chinois à noires nattes. Crainte de l'aube. Une gamine ridée s'approche maintenant du tilleul. Etrange, elle y pisse comme un chien, une patte levée...

Murmûres

Parle moins fort ! Il y a un homme, là contre ce mur, marchant, incrusté, dépossédé volé de sa moitié, avec un tiers de sa cage thoracique empêtrée, flottante, translucide, aspirée dans ce mur. Il semble marcher mais rien n’est moins sûr. La mousse s’étend sur son bras droit. Ses doigts sont rongures. Il paraît progresser. Tout son bras gauche par les moellons est investi. Son épaule bleuie est largement compressée. Son genoux aussi de minéral est veiné. Dans le granit ou sur ses os, qu’importe, un roncier s’installe. De loin, je vois mal mais, semble-t-il, sa hanche est transpercée. Oui, puisque déjà en dessous du poumon le roncier ressort et au bout d'une branche croissent déjà deux mûres. Marchons, marchons plus vite, ne restons pas là !