PAUL EMILE QUIGNAUX

vendredi 19 février 2010

Exécution impériale


Empereur aux sens fragiles. Trône pétoire. Toutes ses lois abattoirs. Sa gabelle sur le miel, le seigle, les chèvres et les femmes. Plein de pourboires en cassation. Incunable tenace posant sa main au loin vers ses archipels à l’horizon. Il tourne vers moi ses yeux grisés sans sagesse, acide, songeur, hâbleur. Mélange de soif, d'hébétude et de déception. Rage aux bas-joues barbes. Prophète en carriole. Peuple éperdu sur les routes. Ses lèvres bleuissent. Sa verve en écharpe. Ses discours à béquilles. Déjà connu, déjà vu. On joue ? Regard circulaire de lui à moi : "A quoi ?" Rétention du temps sans compassion,. Clin-d’œil et rires jaunes. Il sort une dague: "A ça ?" Entre les doigts écartés sur la table, en saccades, pluie de grêles, entre les phalanges. Lame éclair entre les os, plantée et reprise au bois. A qui s’y coupera un doigt ! Empereur pas hostile. Juste débile. Face hostie fourguée aux niais. Mariole à corruption. Nez coulant. Empereur obscur des mines de sel, de larmes, d’argent, de peur, de sang. Sa Majesté s’affale. Une vierge servante s’effondre sur les tapis dans ses plats. Les laquais complices l’insultent. Elle rougit, tire sur sa jupe. On voit le haut de ses cuisses. Personne n'a entendu. 9 mm rougissent entre les yeux serpent du metteur en peur. Je pars. Personne ne m'a vu.

Tanatha

Tout respire ici avec mal et sursaut. Pavés, murs, vies suffoquent, s’épanchent en fumées carmin lourdes. Des pierres s’échappent des orgues ocres, des sons haleines, du bruit laiteux. Déjà le sang perle. De la peau tondue. Des chiens qui crèvent. Des crânes ont vomi du gaz en gerbes. De la cendre des corps s'est élevée. Deux ou trois mètres. Sur le sol serpente du sifflement blanc éteint. Les murs se sont soulevés aussi. Autant de poitrine dilatées. Chaque cellule imberbe dessoude en silence sa toute puissance. Une ombre, ombre-enfant sur la lune se détache. Une petite fille saute au ralenti à la corde. Ses nattes buissonnent doucement à chaque expiration. Dernière, tiède, elle sourit et saute, saute sans empressement, saute à quitter terre lentement. Elle rit, rit sous la nuit-rétine qui s’éparpille.

dimanche 14 février 2010

Méprise

L’automne avec ses grandes pinces de crabes. Vieux crabes de sous-bois jaillis de ta poitrine jaillie rôdant sur le tapis de feuilles mortes grimpés parfois en travers dans les gorges jusqu’à la bouche grimée tels ces rats des égouts jusqu’aux éviers, baignoires et tous les trous. Je poursuivais mon moyen-âge d’odeurs, d’urine, bouses et fadeurs. La retenue érigée, le gémi inaudible. Des balladins troussant sur la terre battue. Des soupirs d’actes. D’intenses flottages mouvelant la chair mollie. Perdu dans les caches et mares. Puis la rigidité de ton visage. Liquéfaction sans sanglot de tes gestes sous la peau.. Une première secousse incompréhensible. Première avec des fissures partout, sous les ongles et dents. Dans mon ventre du gel aux rives de la coulée. Les restes effondrés. En finir vite de ta renverse d’absente mouillée. De l’inquiétude à chiquer. L'amère de la méprise.

Macumba no

D’un long trépas, une respiration renaît découplée. Le ciel s’évase en cathédrale folle laminée où pierre et eau s’initient. Deux lignes d’aube vive s’allongent. Sous une voûte filent le sang et le linge, souffles et inquiétudes. Un corps prie, appelle et les doutes-fleurs se courbent comme à la venue de la nuit. Pendante, l’onde des terres se dessèche et l’humus convulse. La chair argile se durçit, aux lèvres rires d’une chute à l’havre d’un cadavre. Au centre de l’erre, une bouche blessée d’où jaillissent torves les vives yeux, les vacilles de cent cierges. Une cresselle crépite. On tête baisse et fièvre s’asseye. Chacun ceint à l’abdomen sa frontière des au-dela; Tous se scellent silencieux. Plus rien ne danse, plus rien ne transe. Bois Brazil se consume.

lundi 8 février 2010

Coqs au nord du Rio Grande

On monte quelques marches d’un temple sur l’arête d’un bec d’oiseau. Des bancs sur les contours. En bas, une arène ronde comme un lobe. Puis, puissance de l’air serre, ceux qui se pavanaient s’effondrent écharpés dans les ergots du volatile flambeur. Les murs à l’ultime ne peuvent éclater. Autant crever prostré dans le sable fienté. Le cheveu détrempé de téquila frelatée taquinant les crêtes pour qu’elles trépignent. C’est l’heure de la lutte des hommes dans l'étable des coqs. Quelques pesos dans le cercle pour les exils, les terres et enfants quittés, pour le retour, le sang brûlant, les berceuses oubliées. Les griffes arrachent un peu de duvet, à l’extrême,des plumes, à la limite des cris rauques des coqs égorgeant. A marquer l'air d’un tranchant carotide. La bête convulse sa défaite. Et l’amer de la boule en gorge qui ne s’avale pas. Le maïs égrainé sous la pluie quand chaque grain dit le pourri de sa fin, sa castration par l’humain, la fécondité contrôlée, le dessous des tables des semences, des pulsions de sève sans arbre, des suintements de lait sans pis. Et ces regards grillés, ridés, vrillés vers le Rio Grandé et nous tous autour des coqs immolés.

samedi 6 février 2010

Châles

Foutre d’veste, cyprès d'châle noir en plis d’nuages, sirocco d’village. Sommes vieux et vieilles qui crient des mains aux postes désertes, à l’école débris. Reste une marelle retracée à la peinture, monumenfant aux disparus; Hémorragie en châle en noir de morts à venir. Qui portera ma boite ? Pas toi Jérôme avec tes cannes, ni toi Richard, tu n’as plus de bras, plus de tête d’ailleurs, que du pinard ! Ni vous Rose, Aïcha, Marie ou Nina. Vous êtes femelles aux seins à genoux, des ventres de cendres, d’oubli, d’adieux. 54 maisons. 45 de vides, 4 chiens, 19 chats et un bourrin sur la place festoyé par rats, mouches, asticots. Deux mois d’hiver, trois partiront en châle solitaire misère devant comme par derrière…On a décidé les quinze restant de crever seuls, en châle de larmes, blessés aux reins, aux mains, aux yeux surtout aux crânes et à Dieu. Ne montez pas, on vous tuera; reste plus de fusils que d’gens. Jérôme assis tire encore bien. On a plus de cartouches que d’ans. A nous quinze, écoutez ! Plus de mille printemps. Ha ha, voyez, sommes vifs argent malgré nos châles nuages d’honte abandon et de vents.

Libres arbres

J’imagine des forêts gigantesques dans nos montagnes, des arbres de morts. Des enfants sur les décompositions entre les marques bustives de nos passages y font collection de feuilles abandonnées chues à la patience de l’humus comme gestes, regards, sourires et pleurs des branchus que nous étions. J'imagine des fontaines de racines plongées dans les restes particules chevauchant les os, nourries des carnes et chairs ensevelies là. J'imagine des ombres au vent, tièdes et douces effleurant les jeunes pousses, vibrantes de vivre, terrées des larmes des disparus. Pour la Liberté les fous de 89 avaient planté un arbre. Pour la mienne, pour mon trépas, je veux des arbres.