PAUL EMILE QUIGNAUX

mardi 31 mars 2009

Les croisés


Deux enfants nus marchaient sur un chemin. L’un d’eux, un poignard noir à la main, avançait à grands pas, le regard perdu sur la ville au loin. L’autre plus petit trébuchait. Deux gardiens titubant, rasés de frais sous leur grande cape blanche, le bec percé d’un clou, les ont croisés. L’un d’eux les a fixés de son œil rond et terne. L’autre fatigué d’espoir a tendu la main. Le petit enfant a craché. Ils sont passés, poussés par le vent, agrippés par le temps. Deux enfants nus marchaient sur un chemin. L’un d’eux, un poignard rouge à la main, tenait dans l’autre une grappe de raisins. Le petit, les mains jointes, se gavait à sa faim. Deux ombres blanches loin derrière, se profilaient, bousculées par le temps, happées par la plaine, nappées de nuit, bleuté de mort, les mains basses tenant leur ventres ouverts.

Photo retrouvée


Pilonnages à l’aube, l’auge des bombes, les ornières des camions, leurs freins cris de baleine, les grondements coptères, l’incandescence des tirs, l’encens des discours, l’indécente Pacification, sans heurts, douce, rien qu’avec des billes et de l’agent orange. Photo d’opéré, un corps adolescent, svelte mineure, minceur des flancs criblé de trous. Agence Gamma 69.
Un hasard dans mes recherches. Tout est passé au pilon de ma mémoire. Des millions de visages pilonnés. Des millions depuis photographiés. Du papier chiotte pré-numérique, préhistorique. Cérumen de chair humaine. Bel hymen du vagin-latrine d’un Occident trop mien, très tien, à toi qui me lit …

jeudi 19 mars 2009

Dispensaire de Kali Gate


Pourquoi es-tu toujours là ? Oui, toi, toi le chauve. Tes sept-huit ans presque nus, corps croûté que j’ai épluché. Tu n’as pas crié, ni pleuré. J’ai tout arraché au couteau. Ta chair noire anémiée, nécrosée. La vermine festoyait jusqu’au nacre de ton crâne. L’air moite, ma sueur. Je t’écroûtais. Qui sait écroûter un enfant-plaie ? Le crâne, le dos, les bras, le ventre, le bassin, le sexe, les cuisses, les jambes ? Combien combien de plaies t’ai-je ouvertes ? Quand ai-je cessé de trembler ? Quand t’ai-je regardé ? Je n’ai pas rêvé. La pommade te soulageait. Un beurre blanc. Je l’enfouissais profond à la main dans ta pourriture puis je pansais. Ne pas penser, ne plus panser. Tu es toujours là. Tu ne m’as pas quitté. Ta photo sur mon bureau. Ton corps nu. Chauve. Tes grands yeux noirs sans douleur, sans tristesse, sans prière. Tes yeux calcuttesques qui m’ont appris qu’un homme peut pleurer à sec.

mercredi 18 mars 2009

Aube

Sur l’épiderme de ses mots, à l’ombre de sa bouche, courent de grands frissons satinés de froids. Ils sonnent déployés à l’aube, s’agitent, hésitent dans le frais puis filent en trembles au ressac assagi de sa fourrure inondée. Cris et soupirs s’étirent à l’emporte-pièce tressant des anneaux fins sur la chair de sa lèvre un peu gonflée. Silence en dos, en repli sage hors de la nuit. Elle, cathédrale, verte, tendre et noire, ourlée d’amour.


Golghotations


Béni, oui, oui ! Hé, hé, à temps ! C’était de l’être ou pas ? Etre de bois si faire. Etre Lucifer, lu si ça doit l’faire, si l’on circoncise la présente âme à Dieu colère, Lui Kippour nous a tant souffert. Hé ça va les temples? Shabat les tempes! A genoux devant Dieu. Où l'est la scie du castra triste à circoncir les laids ? J’te reconnais pas, J’te reconnais pas, J’te reconnos pas comme un prophète. Et pourtant, pour tant, en cicatrices, là haut en croix, j’ai eu mon compte au Golghota ! Prières divines et devins marchands. Que d’eau, de vin et de sang ! A Tibériade combien de poissons et, j’sais plus où, combien de croissants ? Tiens, tiens, en v'la d’autres. Noirs et ombres. Ors et pourpres. Blancs zailés. De toute façon, c'est d'autres clercs, d'autres clients. Et d’autres z’entrent en plus qui hululent autant à temps. Mots à remèdes, y disent, peut tout dans les cieux : elfes 16 et mirages. Tous au Sinaï, tous la tête dans le sable, bande de raïs naïfs, de trop zélés, de pleutres baisés, de rescapés du Père Néant!

samedi 14 mars 2009

Houblons


Quelque chose se couple à moi. C’est un cycle, un rond, un fond rond. Sucré et prunellé, de la souvelance d’égouts fumellant. Un bain de poisse sienne brûlée au dessus des têtes, ici. Là, là au plafond de la nuit ! Avec un poil frisé à qui ? Au beau milieu d’un verre à mort d’un matin encore, dans une marre square, au creux de ma poitrine se soulève l’haleine d’Hagard, Hagard, c’est mon nom… Deux larmes matutinales, une bandaison, bah, c’est même plus un sanglot mais l’habitude. Et ça diminue, minou, minette. Ho hisse ! Plus tard, je serais sec au matin, même plus craintif, même pas peur, sans ongles en griffes sur la grande pente des bières du matin à la terre.


R


R comme Radikal. Les index probatoires te criblent à grands renforts de Väterland natal. Céder ou se taire ! Grand merci ! On ne se châtre plus sur la Bible. Rives tes bornes sur sa langue. Te rappelles-tu de ton amie d’Uz en 72 ? Dis-moi Ulrika qui a poussé la chaise ?

vendredi 6 mars 2009

Sein


Gynécée d’océaniques nuages, cernée l’hiver d'embruns de nacres vagues, de furieux fous de bassans et malamoks, lumineuse de particules d’étoiles et de lunes dessinant ses lointaines cousines du Sud où la mer est jaune et boueuse, où Yemanja règne et baise à mi-eau les corps des pêcheurs jacanda à l'aube, l’île de Sena, autrefois, était aux femmes. C’est un dimanche qu’elles prirent le noir lorsque des hommes en proie de croix, bravant sorts et brisants, débarquèrent pour pénétrer leur chair et devenir leurs aimants. Il y a fort, très fort longtemps…

Beyrouth


Dans la cité détruite parcourue par les nausées, près de la mer lourde qui oscille et des plages devenues mortes, sur les restes d’une boîte aux lettres, assise, plaie informe, une ado, kalatchnikov sur la poitrine, porte à sa lèvre mordue le goulot coupant d’une bouteille d’oxygénée ensanglantée.

mercredi 4 mars 2009

Nord Noir de Cao Lai


Jouant sur le crassier marin, un doigt gratte la terne terre. L'ongle perpendiculaire depuis la pluie à la mer. Son rêve pénètre une algue-fleur et y trouve une forêt de filaments longs arc-en ciel. Un pauvre doigt ivre de fatigue de mille coupures perfides. De son empreinte salée de pleurs, le sang sort acide. Près d’une racine qu’il voit marine, un doigt se vide et se retire. Trou rond élémentaire. Grammaire de la terre noir d'un enfant crasseux stationnant sa famine sur un rail, qu'au loin une sirène rappelle à la mine.
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Nom de Dyeux !


Chers amis potographes, vous yeux pro de nous simples mortels. Porte-flash, bites lentille, flingueurs à politiques, mouches à guerres et famines, tringleurs d’instants tannés de tout, gobe-nature et globe-trottoirs, papa-raseurs de mamans razzia, engrossés des miséreuses, pipol snipers, éplingleurs de mirettes rieuses, enjoliveurs de corps désirs. Vous tous et toutes, chers, très chers êtres-oeils, maîtres des clic-clac, cocottes…Voyons, voyons, voyons. La-haut est le grand Œil et vous, vous, vous êtes si bas, si ballottés, si gogo centrés, si exonérés, sourds oxygénés. Sous ex, sur ex, dans le néant de l’Ex, dans l’œil du béant, de l’instant mage qui hennit : Hi ma, Hi ma, Hi ma, pas culée, pas laya, simplement Je, Je, Je. IMAJE. Lis mon Je, lis ma Je. Vos dents cliquent et claquent, amibes cannibales. Mes frères, mes sœurs, metteurs de je en joue, faiseurs de jeux, pipoteur d’yeux, mythes à mort des chambres noires, à quand la révélation, la lumière, pour que vous fixiez enfin votre simple, tout seul destin de plaise aux Dieux ?

mardi 3 mars 2009

Première morte


Les yeux chargés, ses épaules rétrécies et frileuses. Elle est longue, plus longue, longue sous le drap. Sa malice en réclusion sous une raide pâleur. Sa poitrine susurre qu’elle ne dort plus. A l’arrêt sous ses mains, elle s’adoucit, se relâche. Une minute la métamorphose. Son visage cristallise. Des Cassiopées grains de sable l’envahissent. Eclair d’une douleur puis douceur. Sa randonnée commence. Seule enfin en territoire de nuit, très légère. Plus fins ses os, plus blanche sa peau, plus infime son souffle. Le nombre de ses pas dépasse déjà celui des coquillages et des planètes. Un masque de gamine vieillesse. Sourire. Elle. Grand-mère. Cadavre.

dimanche 1 mars 2009

Retour chariot, gling !


Y a trente ans, j’ibémais à boule dans du blanc vif. Et vlan retour chariot sur écran. Que reste-il d’ma frappe ? Un crépitage mollusque, des lettres sans mots, des maux sans âtre, du moisi d’être, un théâtre de cendres qui braise-bêle. Aucun sujet à sujettir. Plus de peur que de mâle. Plus de tigre de papier à crépiter. J'erre, je cherche, je cherche je cherche du poil désir à griller, du tabac à têter, du fort à breuver , d’la mouche à morve, du tord narines, du torve à ordre, du ricain marines, du qui raque rangers, d’la preuve qui tentacule, qui mord la chair père, qui perce la chimère, du qui rassure et qui berce l’homsonge. Appel, appel à riffifi et rattafia pour les gars de ma planète qu’halète! Pour les lolitaines gueuzettes mignardes, les angelina lolo à chiards. Hola, Hola, m’ouïssez vous, binarisé dans mon demi-siècle, saturé d'écran-ronron, de tant d'étrons d'électrons. Sans blanc de page à torturer, j’hèle l’air en manque ? Gling, vlang, gling , vlang, gling, gling, vlang,....