PAUL EMILE QUIGNAUX

jeudi 19 mars 2009

Dispensaire de Kali Gate


Pourquoi es-tu toujours là ? Oui, toi, toi le chauve. Tes sept-huit ans presque nus, corps croûté que j’ai épluché. Tu n’as pas crié, ni pleuré. J’ai tout arraché au couteau. Ta chair noire anémiée, nécrosée. La vermine festoyait jusqu’au nacre de ton crâne. L’air moite, ma sueur. Je t’écroûtais. Qui sait écroûter un enfant-plaie ? Le crâne, le dos, les bras, le ventre, le bassin, le sexe, les cuisses, les jambes ? Combien combien de plaies t’ai-je ouvertes ? Quand ai-je cessé de trembler ? Quand t’ai-je regardé ? Je n’ai pas rêvé. La pommade te soulageait. Un beurre blanc. Je l’enfouissais profond à la main dans ta pourriture puis je pansais. Ne pas penser, ne plus panser. Tu es toujours là. Tu ne m’as pas quitté. Ta photo sur mon bureau. Ton corps nu. Chauve. Tes grands yeux noirs sans douleur, sans tristesse, sans prière. Tes yeux calcuttesques qui m’ont appris qu’un homme peut pleurer à sec.

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